Wednesday, October 7, 2009

L'oubli n'est pas poussière

Pourquoi ais-je pensé à cela ce soir?
Je ne sais pas.

Nous sommes tous différents. Nous avons tous des objets nous tenant à coeur pour différentes raisons. Pour cet obscur passé, nostalgie d'évènements et de circonstances qui peuvent ou ne peuvent pas évoquer de bons sentiments.
Un souvenir accroché à ce premier baiser. Un artefac relié à cette soirée se déroulant aux berges d'un feu.
Une photo ou bien une chanson.

Pour moi, cet objet se trouve sous la poussière.
Sous beaucoup de poussière.

Imaginez ce vieux garage des années 80. Une chaumière trop petite pour y insérer une voiture, mais aussi trop grande pour ne servir que d'apentis. Une couverture fade de tôles blanches et blafardes. Une simple cheminée de fer égayée d'un sombre chapeau de sorcière.
à l'intérieur, un large bric-à-brac. Des tas d'effets accumulés au fil des ans.
Là, tout un tas d'outils divers. Dans cet autre coin, des piles de bois disposées de façon hagarde.
Des disques. Revolver sortant du lot, comme s'il avait été utilisé tout récemment. Un vélo, vieux et usé. Une tondeuse. Des matériaux divers : du bois, de la vitre, des morceaux d'acier, de l'étain.
Quelques figurines fantastiques peintes en rouge. De vieux meubles. Une horloge mode du Sacré-coeur. Une esquisse d'automne.

Tout cela sous un amas de poussière.

Il y a aussi autre chose. Tout au fond, une motocyclette. Yamaha Virago XVK 750 1983.
Elle est toujours là. Éventrée, assassinée. Meurtrie.
Il y a longtemps, nous avions tenté une restauration. Budgets manquants, tout autant que volonté; le projet a été abandonné.
Elle ne ressemble plus du tout à ce quelle fut jadis. Maintenant, ce n'est qu'un squelette disséqué. Un espèce de souvenir des ravages du temps.
Elle est pourtant toujours là. En pièces.
Il n'y a plus de roue arrière. Le siège est disparu, tout autant que le réservoir à essence; objet proéminant sur toute motocyclette.
Les pneus sont fendus. La plupart des globes sont cassés. Tout chrome a été retiré. L'échappement, jadis chromé et joli, n'existe plus. Les marchepieds sont de lointains souvenirs.
Les écrous semblent tous ternes ou accablés de rouille.
Mais elle est toujours là.

Le moteur semble intact, tout autant que le châssis. La roue avant figure toujours dans cet étrange portrait. Enfin, la devanture, composée de lumières et de cadrans, est toujours sensiblement inaltérée.
On dirait un regard. Vague et usé.
Un regard qui refuse de mourir.

Les pièces manquantes achèvent de s'oxider dans le grenier.

Mais elle est toujours là.

Cent fois mon père aurait voulu s'en débarasser. Cent fois j'ai refusé.
Elle représente trop pour moi.
Mes premiers essais à motocyclette. Mes plus belles photos. Mon permis de conduire. Mes premières escapades autour du Lac-Saint-Jean. Tous mes agendas du secondaire.
Mon père partant travailler lorsque j'étais plus jeune. Le démarreur refusant d'obtempérer. Une escapade amoureuse entre mes parents. Le passage secrêt derrière Heggins. Rashel.

La liberté.

Aucune chance que j'arrive à m'en débarasser.

J'aimerais bien être tout près d'elle. Mais à quoi bon?
Elle est patiente.
Elle sait que je reviendrai un jour pour elle.

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